​​​​Une quarantaine de présidentes et présidents de parlement des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe, ainsi que les présidents du Parlement européen, du Conseil nordique, de l'Assemblée de l'UEO et du Benelux, se sont réunis à Tallinn du 30 au 31 mai 2006 à l'occasion d'un sommet parlementaire consacré à deux thèmes jumeaux: «La diplomatie parlementaire – trait d'union entre les pays» et «Le rôle des parlements dans la promotion de la démocratie pluraliste à l'intérieur et à l'extérieur du pays».

Organisée conjointement par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) et le Riigikogu, le Parlement estonien, la Conférence européenne des présidents de parlement a examiné la manière dont les législateurs des différents pays d'Europe agissent de plus en plus de concert, à côté des gouvernements ou à la place de ces derniers, pour résoudre les conflits et permettre l'expansion de la démocratie.

Les discours introductifs prononcés par le président de l'APCE, René van der Linden, le président du Riigikogu, Toomas Varek, et le président du Parlement européen, Josep Borrell, ont été suivis d’exposés sur les thèmes de la conférence par les présidents du Riksdag suédois, de la Chambre des représentants de Belgique, du Parlement grec et du Parlement géorgien.

Les secrétaires généraux des parlements et assemblées participant à cette conférence devaient également se réunir.

La première Conférence européenne des présidents de parlement s'est tenue en 1975. Elle a lieu tous les deux ans, alternativement à Strasbourg et dans la capitale d'un Etat membre du Conseil de l'Europe.

La Suisse était représentée par M. Claude Janiak, président du Conseil national, et par M. Alain Berset, membre du Bureau du Conseil des Etats.


Le rôle des parlements dans la promotion de la démocratie pluraliste à l'intérieur et à l'extérieur du pays

Intervention de M. Claude Janiak, président du Conseil national à l'occasion de la Conférence européenne des présidents de Parlement
Tallinn, Estonie, 31 mai 2006

Monsieur le Président,​
Chers Collègues,

​Parmi les pays représentés ici, certains connaissent la démocratie depuis plus d'un millénaire. Pensons à la démocratie athénienne, ou à l'Althingi de l'Islande ou encore à la Chambre des communes britannique. Tous ces pays peuvent réclamer le titre de «mère des parlements». Nous devons naturellement tous beaucoup au modèle britannique et qui d'autre ici peut revendiquer le titre de plus ancien président d'un Parlement que le speaker des communes qui existe depuis 1376?

Comme le faisait remarquer Victor Hugo dans «Napoléon le petit», le parlementarisme, «c'est la garantie des citoyens, la liberté de la discussion, la liberté de la presse, la liberté individuelle, le contrôle de l'impôt, le droit de savoir ce qu'on fait de votre argent, la liberté de conscience, la liberté des cultes, la sécurité de chacun, la dignité de la nation». Ces propos écrits sous le Second Empire valent pour tous les peuples.

Dans les Etats d'Europe centrale et orientale qui ont recouvré la liberté après cinquante années de domination communiste, on voit ressurgir des institutions parlementaires qui existaient déjà pour certaines avant la première Guerre mondiale. La tradition parlementaire s'est réveillée alors même que la liberté était reconquise. Le Riigikogu de l'Estonie est un bel exemple de ce type de parlements et le pays qui nous reçoit n'a fait que retrouver ses anciennes institutions.

Dans quelques pays libres depuis la chute du mur, il a fallu créer de toutes pièces des institutions parlementaires sans pouvoir se référer à un modèle préexistant. Ceux qui ont eu à mettre sur pied des institutions parlementaires dans de telles conditions méritent notre admiration et nos félicitations.

La démocratie suppose naturellement la liberté de presse et d'opinion et l'accès aux moyens d'information. Le système électoral qu'il soit proportionnel ou majoritaire, doit permettre l'expression de la pluralité des opinions et respecter les minorités linguistiques, religieuses ou culturelles. Selon nous, ces minorités doivent s'exprimer par l'intermédiaire des partis en place ou des partis à créer, mais dont l'organisation interne doit être démocratique.

La vraie démocratie suppose aussi un Parlement doté de compétences réelles comme le droit de déposer des propositions de lois, le droit d'amendement, le droit de contrôle sur l'exécutif grâce à différents instruments comme un large accès à l'information, l'activité des commissions, les interpellations, voire les commissions d'enquête parlementaires. A défaut, nos parlements ne seraient que de façade cachant le pouvoir exclusif de l'Exécutif.

En Suisse, nous connaissons le bicamérisme parfait à l'américaine et également les droits populaires qui sont une expression de la démocratie pluraliste. Depuis le début de l'Etat fédéral en 1848, nous avons connu plus de 500 référendums sur le plan fédéral, de nature constitutionnelle ou législative sans compter ceux sur les plans des cantons et des communes.

Le parlementarisme a été mis à mal entre les deux guerres mondiales mais il n’a pas connu un échec définitif et là réside sa force. Quand on parle du miracle allemand, on pense généralement à l'économie sociale de marché mais on pourrait tout aussi bien penser aux structures politiques, à cette loi fondamentale remarquable qui a doté l'Allemagne d'institutions stables et favorisé l'essor de grands partis démocratiques dans les années qui ont suivi la défaite. On pourrait émettre des considérations semblables pour les Etats qui ont subi une dictature militaire ou de droite comme la Grèce, l'Espagne et le Portugal.

Grâce au Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme à Varsovie, aux observateurs de l'OSCE et du Conseil de l'Europe, organisations que nous soutenons, nous avons réussi à faire admettre des standards d'élections libres acceptés dans toute l'Europe. Nous devons poursuivre sur cette voie et accepter aussi les critiques sur nos propres scrutins, car il ne doit pas y avoir des règles valables en-deça et au-delà de Vienne mais des règles d'application paneuropéenne.

Le Conseil de l'Europe qui regroupe 46 Etats européens sur 47, est, par son statut et par les conventions conclues en son sein, un garant de la démocratie et des droits de l'homme. Le pays qui manque à notre famille, le Belarus, est malheureusement la négation même de la démocratie. Nous devons soutenir les opposants qui mènent un combat courageux contre la dernière dictature d'Europe. Chaque pays doit se demander s'il se conforme aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas, le dernier exemple en date étant, samedi passé, la répression d'une manifestation de gays et lesbiennes à Moscou.

Le parlementarisme qui a vocation à l'expansion revêt des aspects divers dans le monde contemporain. Chaque pays doit définir le système qui lui convient le mieux. Nous avons la conviction que le parlementarisme est le régime le plus apte à garantir l'Etat de droit. Les parlements doivent contrôler le suivi de l'application des droits de l'homme par leurs gouvernements respectifs. C'est pourquoi ils doivent disposer de réels pouvoirs pour exercer ce contrôle. Signer les conventions c'est bon, les appliquer pleinement c'est mieux.​

​​