Communication du Comité des Ministres – Liliane Maury Pasquier

Refuser l'impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski (doc. 13356) – Andreas Gross, Luc Recordon

Évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Conseil national palestinien (doc. 13382) – Maximilian Reimann

Internet et la politique: les effets des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur la démocratie (doc. 13386) – Luc Recordon, Elisabeth Schneider-Schneiter, Raphael Comte

Les réfugiés syriens: comment organiser et soutenir l'aide internationale? - M. Pfister

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine (Débat selon la procédure d'urgence) – Doris Fiala, Andreas Gross

Intensifier les efforts de lutte contre les inégalités au niveau mondial: la contribution de l'Europe au processus des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) (doc. 13368) – Doris Fiala, Liliane Maury Pasquier, Elisabeth Schneider-Schneiter

Le changement climatique: un cadre pour un accord mondial en 2015. La diversification de l'énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable. (Débat conjoint) (doc. 13362) – Luc Recordon

 

Communication du Comité des Ministres – Liliane Maury Pasquier

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), porte-parole du Groupe socialiste – Mme la Présidente, permettez-moi de vous féliciter pour votre brillante élection. J'en profite pour vous dire combien je me réjouis de vous saluer du titre de Présidente.

A ces félicitations, j'ajoute mes remerciements au président sortant, M. le rapporteur Jean-Claude Mignon, qui a su mener nos débats et représenter notre Conseil à la fois avec beaucoup d'engagement et de charme, mais aussi, ce que j'apprécie tout particulièrement, beaucoup d'humour. J'en viens maintenant au rapport qui nous occupe cet après-midi, sur lequel je formulerai deux remarques.

La première porte sur un point qui n'est pas mentionné dans le rapport écrit, ce qui est compréhensible, puisqu'il ne s'agit pas d'une décision. Malgré tout, il me semble intéressant d'aborder le sujet ici. Notre assemblée a adopté le 1er octobre dernier un projet de résolution relatif au droit des enfants à l'intégrité physique, cela après un processus d'élaboration aussi démocratique que transparent, des auditions des différents milieux concernés et des débats nourris.

Un des aspects de cette résolution ayant donné lieu à des réactions véhémentes de certaines communautés religieuses, le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, M. Jagland, a pris publiquement ses distances à l'égard de la résolution adoptée. Or ce désaveu d'une instance du Conseil de l'Europe par une autre a fait l'objet d'une discussion nourrie lors de la séance du Bureau du 21 novembre, à Vienne. Comprenez-moi bien, je ne veux pas rouvrir ici le débat sur le fond de la résolution – nous aurons l'occasion de le faire, notamment demain, lors d'une audition publique consacrée à cette question et à laquelle je vous invite tous à participer. Non, mon intention est bien de redire combien il est important, à mes yeux, que nous parlions toutes et tous, quelle que soit notre fonction, d'une même voix pour défendre les droits humains et que, en cas de divergence d'appréciation, toujours possible, nous en discutions au moins d'abord entre nous. Il y va de la crédibilité du Conseil de l'Europe et de son efficacité à défendre ses valeurs.

Ma seconde remarque porte sur le point 5 du rapport écrit qui concerne l'égalité des sexes dans le cadre du fonctionnement de l'assemblée. Je salue la décision prise par le bureau de publier les statistiques sur la répartition par sexe des postes à l'assemblée, mais cette publication et le rapport qui l'accompagne ne permettront pas, à eux seuls, d'atteindre nos objectifs. Ce qu'il faut c'est une prise de conscience et une volonté d'appliquer nos propres règles à tous les niveaux.

L'élection de ce matin, me direz-vous, constitue un pas dans la bonne direction, mais nous devons veiller à ce que l'arbre ne cache pas la forêt, puisque sur les dix-neuf personnes confirmées à la fonction de vice-président, seules quatre femmes ont été élues. Nous devons décidément faire mieux!

 

Refuser l'impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski (doc. 13356) – Andreas Gross, Luc Recordon

M. GROSS (Suisse) rapporteur de la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme – Je vous remercie, Mme la Présidente et je vous félicite pour ce fantastique résultat que vous avez obtenu; je suis sûr que vous allez faire du bon travail.

(poursuivant en allemand) Mes chers collègues, j'ai eu le privilège, avec Günter Schirmer, d'aborder un dossier incroyable. Je veux parler de celui de M. Magnitski, un patriote russe qui s'est senti obligé de dénoncer des pratiques frauduleuses, ainsi qu'un vol de deniers publics auprès de l'Etat russe. Il n'a pas voulu que ces pratiques se poursuivent, il a décidé d'élucider cette affaire, et c'est ainsi qu'il a été arrêté et qu'il est mort en prison. C'est l'histoire des prisons russes où les prisonniers ne reçoivent pas un traitement médical adéquat. Et selon les opportunités politiques, on oublie ces prisonniers et ils meurent sans qu'on s'occupe d'eux, sans qu'on leur assure un traitement médical.

C'est l'histoire de fonctionnaires russes qui sont désignés par l'Etat, mais qui ne servent pas l'Etat. En fait ils mettent dans leurs poches des deniers publics qui appartiennent au peuple qui en a besoin pour construire des écoles, des routes, etc.

C'est l'histoire d'un Américain qui a fait de bonnes affaires et qui a su comment tirer parti de mauvaises lois. Il a non pas volé l'Etat, mais fait fructifier les fonds qui étaient mis à sa disposition. Ensuite, il a lutté contre des pratiques frauduleuses qui avaient cours par ailleurs. De nombreux investisseurs lui ont fait confiance, il est devenu riche mais a malgré tout lutté contre la corruption; et il est devenu dangereux pour l'Etat russe, pays où il n'a pas souhaité se rendre.

C'est l'histoire de cet Américain qui se sent responsable du sort de son employé et qui dit: «C'est moi qui aurais dû être tué, et pas mon employé.» Il s'est montré plein d'empathie, il n'a pas voulu que cette affaire soit oubliée, il a entrepris un travail gigantesque pour nous y sensibiliser.

C'est l'histoire de 230 millions de dollars qui ont été volés et, de façon très subtile, cet argent a circulé de par le monde, pour arriver sur différents comptes bancaires. Il a bénéficié à certaines personnes responsables de ces pratiques qui ont acheté de luxueuses demeures un peu partout. Mais attention, ce n'est pas une histoire contre la Russie. Sergueï Magnitski était un patriote, il voulait servir son pays; eh bien, ce rapport veut aussi servir la Russie.

Chaque pays fait des erreurs. Il faut pouvoir les reconnaître, en tirer les enseignements et voir comment on peut éviter de les répéter. Mais ceux qui se sont rendus coupables de ces erreurs doivent rendre des comptes. Ce rapport est donc un appel à la Russie pour que tous ceux qui se sont rendus coupables de ces pratiques soient sanctionnés.

Ensuite, c'est un rappel à la Russie de ses propres obligations, parce que les valeurs du Conseil de l'Europe – le droit à la vie, le droit à la propriété – ont été violées. On ne peut pas accepter cela.

C'est une grande histoire, mais ce n'est que la partie émergée de l'affaire. Il y a d'autres affaires dont on n'a pas eu connaissance; dès lors nous n'avons pas pu faire de rapport à leur sujet.

Je vous remercie d'étudier le présent rapport et vous demande d'adopter cette résolution.

 

M. RECORDON (Suisse) – Je voudrais rappeler, en préambule, que l'Europe a souvent mésestimé le besoin qu'elle a d'une Russie forte et stabilisatrice, tandis que, de son côté, la Russie a elle-même besoin de jouer un tel rôle. A cet égard, nous avons raté d'importants virages peu après la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'URSS. Il est difficile aujourd'hui de remonter la pente.

La Russie est membre du Conseil de l'Europe. Elle a adhéré à nos principales institutions et doit respecter, en particulier, la Convention européenne des droits de l'homme. Nous devrions tous arriver à comprendre – c'est un peu, d'ailleurs, le sens de ce que vient de dire Lord Anderson – que nous ne sommes pas là pour défendre ce que nous croyons être des intérêts nationaux auxquels il serait porté atteinte. Il ne s'agit pas davantage d'humilier qui que ce soit. Notre but est d'être solidaires autour de valeurs qui transcendent les intérêts nationaux, à savoir les droits de l'homme.

A cet égard, l'affaire Magnitski est emblématique. Avant elle, il y avait déjà eu l'affaire Politkovskaïa. Il faut vraiment que nos amis russes comprennent qu'ils doivent faire le ménage – passez-moi cette expression un peu familière. S'agissant de corruption et de droits de l'homme, on ne plus tolérer de telles carences. Tous les pays membres du Conseil de l'Europe peuvent connaître de graves violations des droits de l'homme. Nous avons besoin que d'autres personnes, au niveau européen, nous disent: «Là, cela ne va pas.» Ce n'est pas une humiliation, car nous avons tous de telles pierres dans notre jardin; c'est une occasion de grandir et de progresser. Si la Russie accomplit les efforts que nous attendons instamment de sa part, elle grandira, elle progressera et prendra enfin la place importante qui doit être la sienne, car c'est un grand pays – le plus grand pays d'Europe.

Aujourd'hui, elle est pénalisée par de trop nombreuses violations des droits de l'homme et ces atteintes la rapetissent. Chers collègues russes, grandissez avec nous.

 

Évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Conseil national palestinien (doc. 13382) – Maximilian Reimann

M. REIMANN (Suisse), porte-parole de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe* – Le partenariat pour la démocratie entre le Conseil de l'Europe et le Conseil national palestinien témoigne d'une grande bonne volonté. Nous souhaitons transmettre des valeurs à nos collègues palestiniens qui les renforceront au fil du temps et les feront évaluer vers un Etat démocratique. En revanche, les deux premières années de partenariat ont été marquées de difficultés.

En Palestine, nous avons face à nous deux parties ennemies: le Fatah qui souhaite être notre partenaire et le Hamas à Gaza qui nous ignore. Elles rivalisent, se réconcilient de temps à autre, mais nous ne voyons pas de parlement unique, nous ne voyons transparaître aucune unité. C'est bien une tragédie, dont souffre le partenariat. Bien sûr, je suis ravi que ce partenariat soit instauré avec l'une des parties et que ses représentants soient représentés au Conseil de l'Europe, mais ce n'est pas suffisant. Nous voulons, en effet, un partenariat démocratique avec toute la Palestine, mais nous ne pouvons l'imposer. Le Hamas doit avoir la volonté de participer. Or, il n'en a pas la volonté ni n'apporte les conditions factuelles pour ce faire. C'est bien ce que souligne le rapporteur. Si, ainsi qu'écrit dans le rapport, la peine de mort est exécutée dans la bande de Gaza, si la liberté de la presse à Gaza est bafouée, si les élections ne sont pas libres, si tout cela est vrai, alors, le partenariat ne peut pas évoluer. Aux Nations Unies, une solution de deux Etats s'éloigne chaque jour un peu plus en raison de cet état de fait, ce que je regrette, d'autant que j'ai été délégué du Comité international de la Croix-Rouge il y a des années et que je connais bien la région.

Je note que des progrès ont été réalisés, notamment en Cisjordanie, même si cette partie de la Palestine souffre de la politique de colonisation d'Israël. J'accepte toutefois que le prochain rapport d'évaluation fasse état de progrès et j'espère qu'ils concerneront l'ensemble de l'Etat palestinien.

 

Internet et la politique: les effets des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur la démocratie (doc. 13386) – Luc Recordon, Elisabeth Schneider-Schneiter, Raphael Comte

M. RECORDON (Suisse) – Ce très bon rapport et ces très bonnes propositions viennent à leur heure et ont le mérite de souligner le caractère profondément paradoxal de l'apport d'Internet.

Pour comprendre Internet, il faut le considérer comme un pouvoir, car il constitue bel et bien un pouvoir démultiplicateur de nos possibilités. A l'instar de toutes les nouvelles techniques qui se sont développées au fil des décennies dans les domaines les plus divers – on peut penser à l'énergie nucléaire, aux OGM et aux nanotechnologies –, Internet a une face brillante et une face sombre. Il apporte évidemment beaucoup, mais il ne faut pas s'illusionner au point de penser qu'il pourrait remplacer la démocratie. A ses débuts, Internet a été, fort heureusement, un contre-pouvoir face à certaines dictatures. Il a permis aux citoyens de prendre une place qu'ils n'auraient jamais eue et qu'ils ont conservée. Cependant, aujourd'hui, nous assistons à un reflux, à une reprise du pouvoir par ceux qui le détiennent traditionnellement, y compris des dictatures, que ce soit par la surveillance – cela se produit jusque dans certains de nos régimes démocratiques ou réputés tels – ou par la manipulation.

Il faut se rendre compte que, comme cela s'est produit pour les autres techniques que j'ai citées – le nucléaire et les OGM, auxquels il convient de renoncer, mais aussi les nanotechnologies, auxquelles il ne faut pas renoncer, mais qu'il convient de tempérer de façon très stricte –, nous entrons dans la phase où la dangerosité d'Internet douche l'enthousiasme des débuts. Pour ne prendre qu'un exemple qui puisse nous inquiéter s'agissant des effets qui peuvent se produire sur la démocratie, je pense que nous prendrions des risques énormes à introduire largement le vote électronique étant donné que cette technique est susceptible d'être manipulée et ne peut être vérifiée par les citoyens ne disposant pas des connaissances informatiques nécessaires. Le risque de manipulation est également très élevé en ce qui concerne la diffusion des opinions.

Bravo à ceux qui ont développé Internet; bravo à ceux qui en font usage; bravo aussi – je tiens à le souligner – à ceux qui cherchent à le mettre à la disposition du plus grand nombre, jusque dans les régions les plus reculées de notre pays ou hors de notre continent, pour éviter la fracture numérique. Mais prenons garde. De ce point de vue, ce rapport attire intelligemment notre attention; je le soutiens, donc.

 

Mme SCHNEIDER-SCHNEITER (Suisse)* – Je soutiens ce rapport. La politique a toujours couru derrière les nouvelles technologies – on le voit une fois de plus très clairement à propos d'Internet. Les problèmes liés aux nouveaux développements technologiques ne deviennent concevables qu'a posteriori; la politique ne fait que réagir de façon défensive. Il faut que les choses changent. Les gouvernements doivent se rapprocher des nouvelles technologies et agir politiquement pour les accompagner et non plus courir derrière elles.

En effet, les citoyens, à cause de ces nouveaux moyens de communication, sont déstabilisés, voire menacés. A cet égard, de plus en plus d'éléments sèment la confusion. Ce qui nous déstabilise, c'est l'Etat lui-même avec ses statistiques, ses bases de données et sa surveillance de l'espace public, notamment par l'intermédiaire de caméras qui suivent chacun de nos faits et gestes. Les statistiques sont bien entendu indispensables dans un Etat moderne. Nous-mêmes, nous agissons sur la base de statistiques et d'études. Les caméras de surveillance, quant à elles, ne sont-elles pas nécessaires pour prévenir les crimes et infractions ou pour enquêter? Voulons-nous pour autant devenir des citoyens de verre, c'est-à-dire transparents? Il y a de nombreux domaines pour lesquels la réponse est oui. En Suisse, par exemple, nous demandons aux responsables politiques d'être transparents. Ainsi, mon parti est très actif sur le Web 2.0, avec Facebook, Twitter, Youtube, Flickr et tous les outils qui permettent d'agir, d'interagir et de donner accès aux informations à ceux qui s'intéressent à la politique.

Certaines entreprises déstabilisent également les choses avec la création de profils-type permettant de savoir comment les clients se comportent sur Internet devant les fenêtres et quelles sont les cartes de fidélité susceptibles de les intéresser. Avons-nous le droit de savoir quelles données sont exploitées et à quelles fins économiques elles le sont? Voulons-nous vraiment utiliser ce droit? Le fait que chacune et chacun d'entre nous ait au moins une carte de fidélité dans son portefeuille nous permet de conclure que nous ne sommes pas toujours conscients des conséquences.

Dans le domaine privé aussi l'insécurité se développe: de nombreux actes criminels sont commis sur Internet, parmi lesquels la pédophilie, le cyber grooming ou encore le cyber bullying. Nous ne voulons pas être des citoyens de verre surveillés par l'Etat, mais en même temps nous demandons à ce même Etat qu'il nous protège. Nous demandons également au Conseil de l'Europe de protéger les citoyens grâce à cette surveillance. Comme vous le voyez, il reste beaucoup à faire en matière de nouvelles technologies. Il faut donc que le Conseil de l'Europe agisse – c'est ce qu'il fait avec ce rapport.

 

M. COMTE (Suisse) – Mme la Présidente, chers collègues, Internet est un outil de démocratie extraordinaire. Il permet le débat, l'échange d'idées, la recherche d'informations. Ainsi, les citoyens peuvent aller rechercher des informations pour voter en connaissance de cause.

Naturellement, Internet n'est pas exempt de problèmes. Mais ce n'est pas Internet qui est mauvais, c'est l'usage que peuvent en faire quelques êtres humains pas tout à fait bons et qui s'en servent à de mauvaises fins. Les violations des droits fondamentaux sur Internet ne sont pas le fait d'Internet, mais bel et bien celui des personnes qui sont derrière. Internet n'est qu'un vecteur, il n'est pas l'auteur de ces violations.

Nous devons nous battre pour que toutes les opinions puissent s'exprimer sur Internet. Parmi celles-ci, il y a bien sûr des critiques à l'encontre des élus, des autorités, de l'action politique d'un gouvernement. Nous sommes soumis à la critique, ce qui est parfaitement normal. Nous devons faire en sorte que chaque fois que les citoyens souhaitent critiquer l'action des autorités, ils puissent le faire sans être inquiétés.

Bien évidemment, la diffamation n'est pas une opinion à protéger. Critiquer l'action d'un gouvernement ne signifie pas remettre en cause l'intégrité ou l'honnêteté des élus ou violer leur sphère privée. Car les élus ont aussi droit à une sphère privée. Nous devons clairement établir la distinction entre ce qui relève de l'opinion politique et ce qui relève, le cas échéant, de la diffamation.

Nous avons évoqué les questions de terrorisme pour lesquelles Internet peut servir de vecteur. Le terrorisme n'est pas une opinion. Le terrorisme est tout simplement un crime que nous devons combattre.

Internet n'est pas une zone de non-droit. Les règles normales s'appliquent à Internet et celles relatives à la diffamation doivent s'appliquer comme elles s'appliquent aux journaux et aux réunions publiques. Il n'est pas besoin de règles particulières pour Internet, il suffit d'appliquer les règles normales en vigueur dans tous les autres domaines. Internet n'est pas un domaine où le droit ne s'appliquerait pas.

Le rapport évoque la démocratie directe. Nous devons nous battre pour le renforcement de la démocratie directe, que je n'assimile pas à la démocratie virtuelle. Le fait que des centaines, des milliers, des dizaines de milliers de personnes expriment des opinions sur Internet ne signifie pas qu'il s'agisse de l'opinion de la majorité. Au même titre que le fait que des personnes descendent dans la rue, même en très grand nombre, ne signifie pas qu'ils représentent l'avis de la majorité. Parfois, la majorité est silencieuse. Elle ne descend pas toujours dans la rue, elle ne s'exprime pas nécessairement sur Internet.

Pour ma part, j'appelle de mes vœux le développement d'une démocratie directe qui passe par des votes populaires, et des processus clairement reconnus. Je viens d'un pays qui la pratique depuis très longtemps et je pense que c'est le meilleur moyen de restaurer la confiance entre les autorités et la population.

 

Les réfugiés syriens: comment organiser et soutenir l'aide internationale? - M. Pfister

M. PFISTER (Suisse)* – Je remercie le rapporteur pour cet excellent rapport, qui souligne les défis à relever par les Etats européens. La situation en Syrie pèse tout particulièrement sur la Turquie, le Liban, l'Irak et la Jordanie. Ces pays font de leur mieux, mais ils ne peuvent pas tout – en tout cas, pas seuls. Rien malheureusement ne nous donne à penser que les causes de ces flux de réfugiés pourront être résolues à court terme; il faudra longtemps avant que ces millions de réfugiés puissent rentrer chez eux.

Nos pays, nos gouvernements sont invités à aider mieux et davantage ces quatre Etats qui portent la plus grande part du fardeau. Plus les Etats européens les soutiendront, moins il y aura de risques que les réfugiés ne deviennent victimes de traites ou qu'ils acceptent de courir des risques inconsidérés pour se rendre en Europe par leurs propres moyens.

S'agissant du point 41 du rapport, il est vrai qu'à l'automne 2013, la Suisse a décidé de faciliter le regroupement familial des réfugiés syriens, mais elle a dû faire marche arrière très rapidement, en raison de l'augmentation considérable du nombre de réfugiés. Cela montre que la décision isolée d'un Etat, même animé des meilleures intentions, n'est guère utile. Tous les pays européens ont l'obligation, d'abord d'accroître l'aide apportée aux frontières de la Syrie, mais également de mieux se coordonner et d'être plus solidaires pour accueillir et se répartir les réfugiés. Nos pays ne pourront pas répondre isolément à cet afflux massif: l'Europe doit gérer le problème en commun.

Tous les réfugiés syriens ont droit à notre protection tant que la situation dans leur pays sera aussi catastrophique; mais ils ont aussi le droit de pouvoir rentrer le plus rapidement possible chez eux dès que les choses se seront améliorées. En la matière aussi, les Etats européens devront faire davantage.

 

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine (Débat selon la procédure d'urgence) – Doris Fiala, Andreas Gross

Mme FIALA (Suisse), porte-parole de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe* – Je tiens tout d'abord à remercier mon groupe qui me permet aujourd'hui de m'exprimer devant l'assemblée. L'Ukraine se situe au centre de la grande Europe. Les violations des valeurs du Conseil de l'Europe qu'elle connaît actuellement se déroulent donc au cœur de notre continent. Je salue le courage des deux co-rapporteures, qui adressent aujourd'hui un message très clair aux autorités de ce pays.

C'est avec honneur que je dois m'acquitter d'une mission devant vous, celle de vous donner lecture d'une lettre ouverte de jeunes Ukrainiens à l'Assemblée parlementaire. Cette lettre a été signée par plus de 1000 personnes en deux jours. En voici un extrait: «L'utilisation récente de la force par le gouvernement à l'encontre des manifestants, des médias et de la société civile, est sans précédent dans l'histoire ukrainienne. Elle s'est accompagnée d'une justice sélective et de lois draconiennes. Le nombre de victimes est choquant: des personnes ont disparu, des personnes ont été torturées et soumises à des traitements inhumains et dégradants. Les actes de violence se poursuivent. Ils sont commis par des agents des forces de sécurité ou bénéficient de leur soutien. Nous demandons que toutes les mesures nécessaires soient prises afin de mettre un terme à la violence et aux abus des droits de l'homme. Vous devez envoyer des médiateurs et créer des commissions indépendantes internationales afin d'enquêter sur les crimes commis à l'encontre du peuple. Nous nous associons à ceux qui ont déjà demandé des sanctions ciblées contre les représentants du gouvernement ukrainien.»

Mes chers collègues, je suis convaincue que le projet de résolution nous permettra d'exprimer notre solidarité à l'égard de tous ceux qui croient dans les valeurs du modèle européen et qui refusent la corruption du pouvoir. Je ne crois pas pêcher par arrogance en affirmant que nous sommes la conscience de l'Europe. Notre devoir est d'aider l'Ukraine à avancer sur la voie de la démocratie. Pour cela, je vous invite à adopter le texte qui nous est présenté.

 

M. GROSS (Suisse), porte-parole du Groupe socialiste* – Au nom de mon groupe, je remercie les co-rapporteures pour leur travail, leur engagement et l'empathie dont elles font preuve à l'égard du peuple.

Nous partageons leur analyse s'agissant des raisons qui ont conduit à la violence et du fait que celle-ci est incompatible avec nos valeurs fondamentales. Toutefois, le rapport nous inspire un certain malaise, pour trois raisons.

D'abord, l'analyse n'est pas assez approfondie. N'oublions pas que le Parlement issu des élections représente les oligarques plus que le peuple, ce qui explique que la volonté du président de choisir la voie européenne n'ait pu se concrétiser. Comment en est-on arrivé là? Voilà ce qu'il faut déterminer pour formuler des propositions pertinentes.

Ensuite, le rapport n'est pas assez critique vis-à-vis de l'Union européenne, qui, par la politique qu'elle a menée, a placé les autorités ukrainiennes dans une situation où elles ne pouvaient plus agir dans l'intérêt du pays. On ne peut mettre ainsi dos au mur un pays où les liens avec l'est comme avec l'ouest sont si profondément enracinés. L'existence d'une volonté largement partagée de s'engager sur la voie européenne ne signifie pas que tout le monde, surtout à l'est, peut faire sans délai ce qu'attend l'Union européenne!

Enfin, un rapport de suivi ne peut se contenter de commenter les faits. Il faut formuler des propositions politiques en vue d'améliorer cette situation très préoccupante, d'intégrer le pays, de surmonter la crise au sommet de l'Etat et au sein de la société.

A cette fin, je formulerai deux suggestions. Du point de vue économique, d'abord, le pays devrait pouvoir entretenir de bonnes relations avec l'est comme avec l'ouest, sans opposer les deux. Il faut donc deux accords, l'un avec l'est, l'autre avec l'ouest, qui soient compatibles. C'est tout à fait possible. Du point de vue politique, ensuite, il faut formuler des propositions viables sur l'environnement sécuritaire. Au lieu de parler sans cesse de l'OTAN, envisageons sérieusement la neutralité, qui peut se fonder sur une tradition européenne: au XIXe siècle, il existait des pays européens qui étaient neutres, dans leur intérêt et dans celui de tous, comme d'ailleurs au XXe siècle – songez à l'Autriche.

Telles sont les orientations que devrait prendre notre réflexion.

 

Intensifier les efforts de lutte contre les inégalités au niveau mondial: la contribution de l'Europe au processus des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) (doc. 13368) – Doris Fiala, Liliane Maury Pasquier, Elisabeth Schneider-Schneiter

Mme FIALA (Suisse), porte-parole de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe* – M. le rapporteur, au nom l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe, je vous remercie de votre engagement.

Celui qui a vu la misère des plus pauvres perd son innocence. Depuis l'an 2000, nous avons fait des progrès dans la lutte contre la pauvreté et contre la faim. L'accès à l'eau potable a été amélioré, la mortalité liée à certaines maladies, comme la tuberculose, la malaria, a régressé. Mais les problèmes n'en restent pas moins considérables. En effet, la mortalité infantile reste forte, le taux de scolarisation reste faible, les programmes de vaccination souffrent de lacunes, le fléau du sida continue d'affecter des régions entières de la planète. Nous sommes loin d'avoir trouvé les solutions aptes à résoudre la misère. Les pauvres de ce monde attendent de nous des programmes innovants et des actions adaptées à la réalité. En tout cas, nous n'accéderons pas aux objectifs fixés si nous ne nous mobilisons pas davantage.

En Europe, nous ne pourrons gérer l'afflux des migrants dans des conditions satisfaisantes. Pour des raisons humanitaires, mais aussi pour des raisons d'intérêt bien compris, nous devons absolument faire en sorte que le reste de la planète se développe. Les plus pauvres des Etats doivent être soutenus et ce ne sont donc pas quelques crédits parcimonieux accordés au développement qui permettront de régler le problème. Nous devons nous sentir responsables, tout autant que les entreprises. La responsabilité sociale de l'entreprise ne doit pas rester un vain mot. Il faut également lutter de manière déterminée contre la corruption si nous voulons faire évoluer la situation. Peut-être est-ce même l'objectif central.

Nous avons tous intérêt à ce que le sud se développe.

Il nous faut aussi lutter contre le fléau que constituent les violences à l'encontre les femmes et les enfants. Il faut absolument garantir la paix partout, sans quoi le développement durable restera une utopie.

 

Mme MAURY-PASQUIER (Suisse) – Dans le discours médiatique comme dans les débats politiques sur l'avenir de notre monde, seule la pointe de l'iceberg est, bien souvent, visible. Je veux parler de ce qui correspond au septième des Objectifs du millénaire pour le développement, à savoir la préservation de l'environnement. On parle, précisément, d'icebergs, de banquise en diminution et de réchauffement climatique, de déforestation et de perte de la biodiversité. Et cela, bien sûr, à juste titre. Mais l'on peut avoir souvent l'impression que le développement humain, au cœur des autres OMD, est laissé de côté.

De fait, comme le montre Alan Meale dans le présent rapport, les Objectifs du millénaire sont interconnectés: par exemple, la promotion de l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, consacrées par l'OMD 3, sont nécessaires pour que les pays luttent efficacement contre la pauvreté, conformément à l'OMD 1, en mettant à profit le potentiel économique et productif des femmes. De même, la santé sexuelle et reproductive, qui est au centre de plusieurs OMD, a un impact majeur sur l'éducation des femmes et des filles ainsi que sur leurs possibilités d'obtenir un travail décent. Pourtant, l'OMD 5, visant à «Améliorer la santé maternelle», est le plus inachevé. Certes, le taux de mortalité maternelle a diminué de 47% au cours des 20 dernières années, mais l'on est encore loin de la cible de 75% et, chaque jour dans le monde, 800 femmes ou adolescentes meurent de complications évitables liées à la grossesse ou à l'accouchement. Or, chaque année aussi, les décès de femmes en lien avec la grossesse et les décès de nouveau-nés après la mort de leur mère entraînent une perte de productivité estimée à 15 milliards de dollars. Je ne m'attarderai pas sur la mortalité infantile, évoquée par les précédentes oratrices, même si elle est très choquante. Et l'accès à la contraception n'est pas encore universel, pas plus que ne l'est l'accès aux traitements contre le VIH/sida.

Dans les pays européens aussi, l'accès aux soins en général et aux soins de santé sexuelle et reproductive en particulier s'avère parfois inégal, comme nous avons eu l'occasion de l'évoquer en séance plénière de cette assemblée. Dans mon pays, la Suisse, une votation populaire a lieu prochainement sur un texte qui demande la fin du remboursement de l'interruption volontaire de grossesse. Le discours des auteurs de ce texte est marqué par une absence alarmante de respect du droit des femmes à la santé sexuelle et reproductive.

Ce droit et l'ensemble des droits humains doivent pourtant former le socle de la vision défendue par le Conseil de l'Europe et par ses partenaires: la vision d'un monde plus équitable, où les besoins de base sont satisfaits et où le développement humain est au centre des préoccupations, tout comme le respect de l'environnement. Ce monde, la Grande Europe doit, pour faire face à ses responsabilités et à ses engagements, contribuer à le construire, sur son territoire et ailleurs, jusqu'en 2015 et au-delà, et surtout à s'en donner les moyens.

 

Mme SCHNEIDER-SCHNEITER (Suisse)* – Je remercie le rapporteur pour son excellent rapport. Il met en avant les actions à engager dans les domaines les plus importants. Le rapport se montre très progressiste dans ses exigences. En revanche, il espère trop de la prorogation des objectifs du Millénaire. Le nouveau cadre du développement durable post-2015 et ses caractéristiques restent donc trop floues.

La Suisse ne se limite pas à proroger les OMD, mais s'attache à compléter le cadre des nouveaux objectifs post-2015, que nous définissons comme suit. La définition de ces nouveaux objectifs doit s'appuyer sur l'expérience des OMD, sur la Déclaration du millénaire et sur la Déclaration finale de Rio +20. Il faut aussi englober un certain nombre d'objectifs dans le domaine de l'environnement et, pour ce faire, tenir compte de tout document reposant sur des bases scientifiques. Ces objectifs doivent être fondés sur les principes des droits de l'homme, du respect des frontières, de la justice sociale, sur l'universalité et la cohérence politique. Outre le développement durable, ils doivent prendre en compte l'économie, l'environnement, les questions sociales et se fixer pour conditions la paix, la sécurité et l'Etat de droit. Ces objectifs doivent pouvoir être appliqués de façon universelle, tout en proposant des approches différenciées. Ils doivent reposer sur des buts clairs et des indicateurs. Ils doivent être concrets, limités en nombre et dans le temps et on doit pouvoir les exposer clairement.

Bref, il faudrait exiger la création d'un nouveau cadre élargi pour le développement durable, qui ne serait pas en tous points identique aux OMD. L'agenda fixé devra tenir compte de manière équilibrée des trois dimensions du développement durable – sociale, économique et environnementale - alors qu'avec les OMD on s'est surtout intéressé au développement social. Cet agenda doit aussi avoir une validité universelle: il doit définir des obligations valables pour tous les pays et non seulement, comme c'était le cas avec les OMD, pour les pays en développement.

En ce qui concerne le point 8.1.3 du projet de résolution, je peux soutenir l'appel adressé aux Etats membres de consacrer, à terme, 0,7% de leur PIB au développement, tout en précisant que le Parlement suisse s'est fixé, pour 2015, l'objectif de 0,5%, ce qui le place dans la moyenne des pays donateurs. La Suisse est d'ailleurs l'un des rares pays à avoir augmenté la part de son PIB consacrée à l'aide au développement. Sur ce point, j'aimerais donc une formulation plus ouverte. Pour conclure, je vous remercie pour ce rapport auquel j'apporte mon soutien.

 

Le changement climatique: un cadre pour un accord mondial en 2015. La diversification de l'énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable. (Débat conjoint) (doc. 13362) – Luc Recordon

M. RECORDON (Suisse) – Je remercie mes collègues Prescott et Barnett pour les excellents rapports qu'ils ont rédigés avec l'aide précieuse du secrétariat.

Je vous inviterai donc à approuver sans réserve les propositions qui vous seront soumises tout à l'heure, mais je voudrais toutefois émettre quelques observations en prenant un certain recul.

Tout d'abord, il est très bien d'avoir lié les deux objets, tant il est vrai que l'on peut difficilement ne pas traiter ensemble la régulation climatique et la diversification énergétique, sous peine de faire de grosses erreurs. Il est évidemment déterminant pour l'avenir de nos conditions climatiques d'avoir un mélange d'énergies qui soit le plus propre possible, mais je vais sans doute vous décevoir: à mon avis, l'énergie propre n'existe pas! Comme on dit chez nous, la seule énergie propre ne se calcule pas en mégawatt mais en «négawatt», c'est-à-dire en énergie que l'on économise. Ce qu'il convient de mettre en avant, c'est bien la lutte contre le gaspillage.

Ensuite, bien entendu, il existe des degrés. Il est clair que les énergies renouvelables posent moins de problème mais, même pour réaliser des capteurs solaires, il faut du lithium. Le lithium est relativement abondant, mais n'est pas disponible jusqu'à plus soif. A l'autre bout de la chaîne, il y a la renonciation nécessaire, et la plus rapide possible, au charbon, à cette illusion que peut représenter le gaz de schiste compte tenu des dégâts qu'il provoque sur l'environnement et, de manière générale, à tous les hydrocarbures et les gaz qui produisent de l'effet de serre.

Une place particulière est à réserver au nucléaire. On a eu beaucoup d'illusions quant au nucléaire. Quand je faisais mes études d'ingénieur dans les années 70, beaucoup pensaient que c'était la panacée, mais on sait aujourd'hui que ce n'est pas seulement dans les pays qui contrôlaient mal le processus industriel mais aussi dans un pays comme le Japon que l'on est arrivé à une catastrophe. C'est sans doute la seule critique que je peux adresser au rapport sur la diversification de l'énergie, qui affirme, à la page 11, que l'énergie nucléaire a pour avantage la sécurité de l'approvisionnement. Ce n'est pas exact, si l'on considère la possibilité d'une interruption brutale quand se produit une catastrophe et le fait que les pays européens ne disposent d'aucune ressource en uranium.

La fusion offre certes des perspectives intéressantes, mais sa faisabilité recule tous les ans. Du temps de mes études, on parlait de trente ans. Aujourd'hui, nous en sommes à quarante ans. On ne sait si l'on y parviendra un jour.

Je vous invite donc à vraiment mettre en avant, chers collègues, dans vos têtes et vos déclarations, la lutte contre le gaspillage énergétique.