Dans un rapport adopté vendredi, la CdG-E constate que le recours par l'administration fédérale à des experts externes a pris une ampleur considérable et qu'il représente aujourd'hui un volume financier important. Une étude représentative a montré que l'administration a consacré entre 600 et 700 millions de francs à des mandats d'expertise en 2004. Elle a également permis de démontrer la réalité du phénomène connu sous le nom de « fièvre de décembre ». Avec son rapport, la CdG-E a adressé dix recommandations au Conseil fédéral. Elle lui demande notamment de lutter contre la fièvre de décembre et de veiller à l'instauration de la transparence en ce qui concerne les consultants politiques externes qui exercent une influence directe et déterminante sur les décisions et orientations politiques, ainsi que sur les mandats qui leur sont confiés. La CdG-E critique en outre le manque de transparence dans l'octroi des mandats d'expertise ainsi que les lacunes dans le pilotage et le contrôle par les départements. Elle demande au Conseil fédéral de prendre des mesures en vue de renforcer la concurrence dans ce domaine.

La Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'effectuer un état des lieux du recours aux experts externes par l'administration fédérale centrale (1er cercle) en 2004, en identifiant notamment le nombre de mandats attribués, le volume financier qu'ils représentent, et leur répartition sur les mandataires retenus. Sur la base de l'étude réalisée par le CPA, la CdG-E a rédigé un rapport qu'elle a adopté vendredi. Ses conclusions sont les suivantes :

Selon l'évaluation du CPA, l'administration fédérale a dépensé en 2004 quelque 490 millions de francs répartis sur un peu plus de 6100 mandats d'expertise. Si l'on tient compte des lacunes de l'évaluation et d'une deuxième étude effectuée par le Contrôle fédéral des finances (CDF), l'administration centrale fédérale a, selon une estimation prudente, sans doute consacré entre 600 et 700 millions de francs à des mandats d'expertise.

La CdG-E a notamment constaté que, à eux seuls, le conseil et la recherche dans le domaine politique ont drainé 144 millions de francs durant la période sous revue. La CdG-E ne remet aucunement en cause le principe du recours à des consultants externes puisque ce sont les départements et leurs chefs qui assument la responsabilité politique de la mise en oeuvre de ces conseils politiques. Elle estime toutefois que cette situation peut s'avérer problématique, dans la mesure où certains consultants externes qui exercent régulièrement une influence non négligeable sur les orientations politiques ne sont, contrairement aux directeurs d'offices et aux services fédéraux, ni soumis à un contrôle parlementaire, ni exposés à la publicité assurée par les médias. La CdG-E attend donc du Conseil fédéral qu'il veille à l'instauration de la transparence en ce qui concerne, d'une part, les consultants politiques externes qui exercent une influence directe et déterminante sur les décisions et orientations politiques des départements et des offices, et, d'autre part, les mandats qui sont confiés à ces experts.

Le recours à des experts externes ne constituant dans le fond qu'une externalisation de certains travaux, la CdG-E a analysé l'importance des mandats d'expertise dans la perspective de la politique du personnel de la Confédération. En moyenne, le rapport entre les dépenses consacrées aux mandats d'expertise et les charges de personnel est d'environ 1 à 7. Vu le poids des mandats confiés à des experts externes, la CdG-E estime qu'il n'est plus possible de considérer l'évolution des charges de personnel indépendamment des moyens alloués aux mandats d'expertise. La CdG-E attend donc du Conseil fédéral qu'il intègre les mandats d'expertise dans sa planification et sa politique du personnel et qu'il veille à ce que de tels mandats ne soient adjugés que lorsqu'ils permettent de dégager une plus-value financière, organisationnelle ou qualitative par rapport au recours à des rapports de travail à durée indéterminée. Elle a en outre invité le Conseil fédéral à examiner les différentes options permettant de mieux exploiter les compétences des spécialistes et experts internes afin de remplacer les consultants externes lorsque c'est possible.

L'étude du CPA a aussi démontré que de nombreux mandats sont octroyés en fin d'année dans le but d'épuiser des soldes de crédits. Ce phénomène est également connu sous le nom de « fièvre de décembre ». En raison du principe de l'annualité du budget en vigueur au sein du 1er cercle de l'administration fédérale, les crédits qui n'ont pas été épuisés à la fin de l'année ne peuvent en effet pas être reportés sur l'exercice suivant. La CdG-E invite par conséquent le Conseil fédéral à prendre des mesures appropriées en vue de réfréner la fièvre de décembre tant il est vrai que l'on est en droit de se demander si toutes ces dépenses de dernière minute sont vraiment pertinentes et respectent le principe de l'emploi économe des fonds publics.

La CdG-E a en outre constaté que l'octroi de mandats d'expertise échappe souvent à la concurrence instaurée par le droit des marchés publics, raison pour laquelle elle invite le Conseil fédéral à prendre des mesures idoines et à tirer parti de la révision du droit des marchés publics en cours pour renforcer la concurrence dans ce domaine.

Enfin, les résultats de l'analyse permettent de soupçonner que l'administration dispose de réseaux de fournisseurs attitrés. L'évaluation n'a pas apporté la preuve définitive de l'existence de tels réseaux ; il faudrait pour cela procéder à une étude ciblée portant sur une plus long période. L'évaluation du CPA a néanmoins permis de constater qu'un franc sur six est consacré à des mandats subséquents. En tenant encore compte des autres éléments observés tels que l'octroi fréquent de mandats d'expertise hors procédure de concours ou la forte concentration de moyens sur quelques mandataires, la CdG-E ne peut s'empêcher de soupçonner que, une fois le premier mandat d'expertise achevé, les soumissionnaires concernés bénéficient par la suite d'un avantage systématique et se voient confier de nouveaux mandats les yeux fermés. La CdG-E demande donc au Conseil fédéral qu'il se penche de manière approfondie sur cette question. La commission parvient finalement à la conclusion qu'il est indispensable que les départements améliorent le pilotage et le contrôle des nombreux mandats d'expertise qu'ils attribuent. Elle demande au Conseil fédéral d'introduire dans toute l'administration fédérale un système de rapports uniforme sur l'acquisition de prestations de services. La CdG-E attend du Conseil fédéral qu'il se prononce sur ses constatations et recommandations d'ici à fin février 2007.

Berne, 16.10.2006    Services du Parlement