À une faible majorité, la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) a rejeté un projet du Conseil des États visant à assurer la compatibilité de la naturalisation par le peuple - pratiquée de longue date - avec les principes de l'État de droit.

Il ressort de deux arrêts rendus le 9 juillet 2003 par le Tribunal fédéral qu'une décision de naturalisation n'est pas simplement un acte de nature politique, mais aussi un acte de mise en oeuvre du droit qui doit être motivé et pouvoir faire l'objet d'un recours. Le Conseil des États avait estimé que lorsqu'une question juridique majeure était politiquement controversée, il était préférable que ce soit le législateur qui tranche, plutôt que de laisser au seul Tribunal fédéral le soin d'interpréter la Constitution. À l'initiative du conseiller aux États Thomas Pfisterer(03.454 é Iv.pa. Loi sur la nationalité. Modification), le Conseil des États a élaboré un projet de modification de la loi sur la nationalité visant à fixer dans la loi des exigences relatives à la procédure de naturalisation qui respectent dans une large mesure les principes développés par le Tribunal fédéral. Les arrêts de ce dernier ont cependant soulevé certaines questions concernant les modalités de traitement d'une demande de naturalisation. L'objectif du projet de loi est donc de remédier à l'insécurité juridique créée par les deux arrêts précités. Ainsi, une demande de naturalisation ne pourra être rejetée par vote populaire (scrutin, ou vote en assemblée communale) que lorsqu'une proposition de rejet motivée aura été déposée préalablement. En cas de décision négative, il devra être possible de déposer un recours auprès d'un tribunal cantonal et, le cas échéant, auprès du Tribunal fédéral.

Au vote sur l'ensemble, la CIP du Conseil national a rejeté le projet par 10 voix contre 9, et propose donc au Conseil national de ne pas entrer en matière. Les débats ont mis en évidence deux tendances opposées au sein de la majorité :

Une partie de la majorité rejette le projet en estimant que le fait d'accorder ou de refuser l'octroi de la nationalité est un acte purement politique qui ne doit pas être motivé. Elle souhaite revenir à la situation juridique antérieure aux deux arrêts rendus par le Tribunal fédéral en 2003, et se prononce en faveur d'une nouvelle disposition constitutionnelle prévoyant de rétablir les naturalisations par les urnes et excluant toute possibilité de recours, à l'instar de ce que propose l'initiative populaire « Pour des naturalisations démocratiques », lancée par l'Union démocratique du centre (UDC).

Considérant à l'inverse que le fait d'accorder la nationalité est un acte purement administratif, l'autre partie de la majorité rejette le principe de la naturalisation par le peuple, en faisant valoir que c'est la seule manière d'éviter des décisions de naturalisation fondées sur des discriminations.

Quant à la minorité, elle suit le Conseil des États et se prononce en faveur d'une solution qui respecte à la fois les différentes traditions démocratiques du pays et les principes de l'État de droit.

S'agissant de l'initiative populaire fédérale lancée par l'UDC (06.086 n Pour des naturalisations démocratiques. Initiative populaire), la commission ne s'est pas encore prononcée sur le fond. Elle a en effet décidé qu'avant de procéder à l'examen par article de ce projet, elle souhaitait entendre des experts sur les questions de droit constitutionnel qu'il soulève.

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La commission ayant décidé, le 14 septembre 2006, de classer son initiative visant à obliger les parlementaires à signaler leurs intérêts financiers (05.469 Obligation de signaler les intérêts. Révision de la loi sur le Parlement), le conseiller national Louis Schelbert (Verts/LU) a déposé une initiative parlementaire dont l'objectif est similaire (06.462 Divulgation des liens d'intérêts financiers). La commission a toutefois décidé de ne pas se saisir à nouveau de ce sujet. Par 14 voix contre 9, elle propose donc à son conseil de ne pas donner suite à l'initiative. À l'appui de sa décision, elle maintient l'argumentation exposée dans son communiqué de presse du 14 septembre 2006 : la mise en oeuvre de l'initiative exigerait de tenir compte d'un trop grand nombre de particularités, de sorte que l'obligation de signaler les intérêts financiers ne pourrait pas être appliquée de la même manière à tous les parlementaires.

Une minorité de la commission propose pourtant de donner suite à l'initiative, arguant que cette dernière ne vise pas à une réglementation extensive de l'obligation de signaler les intérêts financiers, mais à une mise en oeuvre simple et modérée. Dans cette optique, les parlementaires seraient appelés à divulguer leurs revenus provenant de mandats au sein de conseils d'administration ou d'organes semblables uniquement lorsque le montant concerné dépasserait 10 000 francs. La même minorité estime qu'il serait incohérent que le Parlement exige la divulgation des revenus de ce genre de la part de l'économie privée, sans demander à ses membres de faire preuve de transparence quant à leurs liens financiers.

La commission a siégé les 15 et 16 février 2007 à Berne, sous la présidence du conseiller national Andreas Gross (PS/ZH).

Berne, le 19.02.2007    Services du Parlement