La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national soutient les grandes lignes du projet de révision de la loi sur l’aménagement du territoire adopté par le Conseil des États. Plusieurs de ses décisions visent à stabiliser plus efficacement le nombre de bâtiments en dehors de la zone à bâtir, d’autres, à permettre une meilleure utilisation des logements existants en zone non constructible.

La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national (CEATE-N) a entamé l’examen de la deuxième étape de la révision partielle de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT2 ; 18.077). À l’art. 24c, la commission propose, par 12 voix contre 12 et avec la voix prépondérante de son président, d’insérer une nouvelle disposition permettant d’utiliser intégralement et durablement, à des fins d’habitation, les bâtiments d’habitation agricoles érigés selon l’ancien droit, et les bâtiments d’exploitation agricole qui leur sont contigus, s’ils disposent d’équipements suffisants. En cas de démolition volontaire, une surface habitable équivalente à la surface préexistante peut être construite. L’objectif de cette modification est de permettre une meilleure utilisation des bâtiments habités existants en dehors de la zone à bâtir, sans utiliser de surfaces supplémentaires. Une minorité s’oppose à cette extension de l’usage résidentiel dans la zone non constructible, qui est contraire au principe de séparation.

La commission a pris d’autres décisions par lesquelles elle s’engage à stabiliser efficacement le nombre de bâtiments et l’imperméabilisation du sol en territoire non constructible. Elle soutient le nouveau but fixé par le Conseil des États (art. 1, al. 2, let. bter et bquater) et souhaite charger la Confédération de relever les données de référence nécessaires à la vérification des objectifs. En outre, elle propose de rendre plus strictes les conditions d’octroi de la prime de démolition (art. 5, al. 2bis), qui a été créée pour encourager la réduction du nombre de bâtiments dans la zone non constructible : les constructions et installations doivent avoir été érigées conformément au droit (18 voix contre 7) et la prime ne peut être versée – sans exception – que si aucune construction de remplacement n’est réalisée (13 voix contre 12). La commission se rallie à la décision du Conseil des États concernant le financement de la prime de démolition (art. 5, al. 2ter et 2quater).

Par 14 voix contre 8 et 2 abstentions, la commission propose en outre de limiter la méthode territoriale visée à l’art. 8c aux régions de montagne, comme l’avait proposé son homologue au Conseil des États. Elle souhaite également que le plan directeur précise déjà la manière dont l’urbanisation, la culture du bâti, les aménagements extérieurs, l’intégration dans le paysage, la conservation de la biodiversité ainsi que le maintien des terres cultivables seront pris en considération (17 voix contre 7 et 1 abstention). Par 17 voix contre 8, elle propose de supprimer la compétence des cantons de délimiter des zones spéciales dans lesquelles ils prévoient la réaffectation, à des fins d’habitation, de bâtiments agricoles inutilisés (art. 8c, al. 1bis). Elle souhaite en outre que le droit cantonal puisse également dispenser d’autorisation les assainissements énergétiques dans certains types de zones à bâtir où l’aspect esthétique est mineur (14 voix contre 9). Par 12 voix contre 10 et 1 abstention, la commission propose de biffer l’art. 24quater, selon lequel les cantons doivent décider de déclarer applicables dans le droit cantonal les dispositions dérogatoires relatives aux constructions hors de la zone à bâtir non conformes à l’affectation de la zone (art. 24a à 24e et 37a), s’ils veulent en faire usage. Sur toutes les modifications proposées par la commission, différentes minorités se rallient au Conseil des États ou proposent des modifications supplémentaires.

La modification de la Lex Koller prête pour le Conseil national

Par 15 voix contre 8, la commission a approuvé un projet de modification de la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (LFAIE, dite Lex Koller), qu’elle a élaboré dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative parlementaire 16.498. Ce projet vise à protéger les infrastructures stratégiques du secteur énergétique d’un contrôle par des investisseurs étrangers. La commission estime qu’il y a un intérêt public fondamental à ce que les infrastructures essentielles du secteur énergétique ne se retrouvent pas en mains étrangères. Cela semble d’autant plus important compte tenu de la situation tendue en matière de sécurité d’approvisionnement. Selon la commission, ces « infrastructures stratégiques du secteur énergétique » sont les usines hydroélectriques, les installations de transport par conduites servant à transporter du combustible ou carburant gazeux, le réseau électrique et les centrales nucléaires. Elle veut faire en sorte que leur vente à des acheteurs à l’étranger ne soit plus autorisée qu’à des conditions rigoureusement définies. Les investissements en provenance de l’étranger qui n’entraînent pas de position dominante de l’investisseur dans l’entreprise seraient toujours autorisés. Une minorité de la commission propose de ne pas prévoir une telle exception.

Au contraire, une autre minorité rejette l’ensemble du projet, car elle y voit une atteinte problématique à la liberté économique ; en outre, elle estime que la Suisse dépend des investissements étrangers pour renforcer la sécurité de son approvisionnement.

Exclure les recours des organisations pour les projets de moindre importance en zone à bâtir

Par 13 voix contre 9 et 1 abstention, la commission a approuvé un avant-projet de modification de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN), qu’elle a élaboré dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative parlementaire 19.409. Le projet vise à exclure les petits projets de construction de logements du droit de recours des organisations : les citoyennes et citoyens qui prévoient de construire des logements en zone à bâtir d’une surface de plancher inférieure à 400 m2 ne doivent plus courir le risque de voir une organisation environnementale nationale faire recours contre leur projet. Le droit de recours doit être maintenu dans les zones particulièrement sensibles telles que les centres de villages protégés ou les biotopes – et pour tous les projets situés en dehors des zones à bâtir. Une minorité propose de ne pas entrer en matière sur le projet, car elle estime que celui-ci va à l’encontre de la protection de la nature et du patrimoine. D’autres minorités demandent des restrictions supplémentaires à la nouvelle réglementation envisagée. Le projet de la CEATE-N sera envoyé en consultation dans les prochaines semaines.

Maintien du droit de recours des organisations dans le domaine des énergies renouvelables

Par 16 voix contre 5, la commission propose de ne pas donner suite à l’initiative parlementaire « Limiter le droit de recours des organisations de protection de l’environnement pour permettre l’aménagement d’installations de production d’énergies renouvelables » (22.414). Elle estime que le droit de recours des organisations est un instrument éprouvé, qui permet de garantir l’application correcte du droit de l’environnement et d’améliorer la qualité des projets de construction. La commission souligne néanmoins qu’elle considère toujours l’accélération des procédures d’autorisation pour les installations de production d’énergie renouvelable comme un défi majeur. Elle continuera de suivre de près cette question dans le cadre de ses travaux relatifs au projet de loi visant à accélérer les procédures, qui devrait être prêt d’ici cet été, et c’est aussi pour cette raison qu’elle se prononce contre l’instrument de l’initiative parlementaire.

Une minorité propose de donner suite à l’initiative. Elle considère le droit de recours des organisations comme un obstacle au développement des énergies renouvelables et souhaite l’éliminer.

La commission a siégé les 27 et 28 mars 2023 à Berne, sous la présidence du conseiller national Jacques Bourgeois (PLR/FR) et, pour partie, en présence du conseiller fédéral Albert Rösti.