La CER-E avait suspendu ses travaux sur le projet 16.414 il y a un certain temps déjà afin de voir si les partenaires sociaux pouvaient arriver à une solution concertée au niveau de l’ordonnance. Des discussions sont effectivement engagées, mais la commission considère que son objectif principal, qui est de prévoir une possibilité d’interrompre brièvement la durée de repos et de travailler volontairement le dimanche, ne peut pas être réalisé dans le cadre de l’actuel droit du travail. Après d’intenses débats, elle a donc décidé, par 8 voix contre 4, de choisir une autre voie que celle empruntée jusqu’à présent pour mettre en œuvre l’initiative parlementaire: la majorité de la commission propose au conseil d’inscrire à l’art. 3 les conditions dans lesquelles un travailleur ne doit pas être soumis aux dispositions de la loi. Sont concernés entre autres les travailleurs qui exercent une fonction de supérieur, disposent d’un salaire brut supérieur à 120 000 francs, sont titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation supérieure et disposent d’une grande autonomie dans leur travail. Cette exception doit toutefois être limitée aux personnes travaillant dans une entreprise qui fournit principalement des prestations dans les domaines de la technologie de l’information, du conseil, de l’audit ou de la fiducie et qui ont approuvé par écrit la non-applicabilité de la loi sur le travail. En outre, la commission souhaite établir explicitement que les dispositions relatives à la protection de la santé s’appliquent aussi aux catégories professionnelles qui n’entrent désormais pas dans le champ d’application de la loi. Une minorité de la commission rejette la voie choisie, comme elle l’a fait pour le précédent projet. Si elle concède que le droit du travail pourrait être actualisé sur plusieurs points, elle soutient que ce droit a maintes fois démontré qu’il était assez souple pour s’adapter aux bouleversements technologiques et à l’évolution de la société. Par ailleurs, cette minorité considère qu’adopter une voie qui passe outre aux efforts des partenaires sociaux ne va pas vraiment dans le sens d’une recherche de solution et que la solution éventuellement trouvée a peu de chances de rencontrer le succès. La commission souhaite demander au Conseil fédéral de prendre position sur ses nouvelles propositions avant qu’elle ne les soumette au Conseil des États. Par conséquent, ce projet ne devrait pas être traité par le conseil avant la session d’été.
La commission a par ailleurs procédé à l’examen préalable de deux motions qui demandent la création de bases légales pour le télétravail, à savoir la motion 21.3686 du conseiller aux États Daniel Jositsch (Travail à domicile. Créer les bases légales nécessaires) et la motion 21.4188 du conseiller aux États Hans Wicki (Reconnaître le droit au télétravail et dire oui à une souplesse plébiscitée). Comme le Conseil fédéral, la commission considère que le cadre juridique actuel est suffisant pour réglementer le télétravail. Elle propose par conséquent de rejeter la motion 21.3686 par 12 voix contre 0, et la motion 21.4188 par 5 voix contre 4 et 3 abstentions. Ces deux motions seront traitées par le Conseil des États lors de la session de printemps.
2. Imposition des géants du numérique
Par 9 voix contre 4, la CER-E propose à son conseil de ne pas donner suite à l’initiative 21.306. Déposée par le canton du Jura, celle-ci vise l’introduction d’une taxe sur toutes les transactions commerciales effectuées en Suisse avec les géants du numérique (GAFAM et BATX). La majorité de la commission estime que l’imposition de l’économie numérique doit faire l’objet non pas d’efforts isolés d’un seul pays, mais d’une action coordonnée sur le plan international. Elle rappelle que l’OCDE a lancé un projet en la matière, qui prévoit l’élaboration d’une convention multilatérale. Une minorité veut envoyer un signal fort en soutenant l’initiative, soulignant qu’il n’est pas sûr que la réforme de l’OCDE aboutisse à un accord et que des retards sont tout à fait possibles.
3. Autres décisions
Par 8 voix contre 5, la commission propose à son conseil de rejeter la motion 20.3266 de la conseillère aux États Johanna Gapany et plaide ainsi en faveur du maintien de l’art. 24 de l’ordonnance sur les marchés publics. À l’instar des Commissions des finances et de la Délégation des finances, la majorité de la CER-E estime qu’il faut préserver la possibilité de vérifier les prix dans les situations de monopole. À l’inverse, une minorité considère que les vérifications de prix effectuées après coup sont contraires au principe pacta sunt servanda (« les engagements doivent être respectés »).
La commission s’est enquise auprès de l’administration de la mise en œuvre prévue de la motion 19.3975, qui avait été transmise au Conseil fédéral et qui vise à améliorer, par un abaissement de la franchise-valeur, l’égalité fiscale en ce qui concerne le flux de marchandises du petit trafic frontalier. Cette motion répond ainsi également aux principaux objectifs des initiatives de canton 18.300 et 18.316, auxquelles les conseils avaient aussi donné suite. Dans ce contexte, la CER-E a décidé de ne pas intervenir sur le plan législatif pour l’instant, en attendant le résultat des travaux du Conseil fédéral concernant la motion 19.3975.
Par ailleurs, la commission recommande à l’unanimité d’accepter l’arrêté fédéral visant à mettre à jour l’accord du 25 juin 2009 entre la Suisse et la Communauté européenne sur la facilitation et la sécurité douanières (21.059).
La commission a siégé le 3 février 2022 à Berne sous la présidence du conseiller aux Etats Alex Kuprecht (UDC, SZ) et, en partie, en présence du conseiller fédéral Guy Parmelin.