Lors du traitement de la question des nouveaux éléments constitutifs du viol, la Commission des affaires juridiques du Conseil des États a mis en avant une nouvelle formulation, qui mentionne explicitement l’état de sidération de la victime. S’agissant des autres divergences, elle propose à son conseil de s’en tenir au projet initial de la commission.

Dans le cadre de la procédure d’élimination des divergences au sujet de la révision du droit pénal en matière sexuelle (18.043, projet 3), la Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) s’est longuement penchée sur les considérations du Conseil national, qui, lors de la session d’hiver 2022, s’est prononcé en faveur de la solution du consentement (« seul un oui est un oui »). Elle rejette encore cette solution, car elle estime qu’elle n’est pas compatible avec les principes de la procédure pénale en matière de preuve. De plus, cette solution ne résout pas de manière appropriée la qualification pénale en cas de vice de consentement. La commission s’est toutefois unanimement prononcée en faveur d’une modification de la formulation du Conseil des États des éléments constitutifs de l’agression sexuelle (art. 189, al. 1, CP) et du viol (art. 190, al. 1, CP), afin que la notion de sidération y soit explicitement mentionnée («… ou profite à cette fin d’un état de sidération d’une personne »). Par la mention explicite de l’état de sidération, la CAJ-E souhaite répondre aux inquiétudes exprimées par le Conseil national, qui craint que la solution de refus, préconisée par le Conseil des États, ne tienne pas compte des cas d’agression sexuelle et de viol si la victime se trouve dans un cas d’immobilité tonique. La commission propose par ailleurs, par 12 voix contre 0 et 1 abstention, d’inscrire expressément dans la loi la possibilité que les auteurs des délits contre l’intégrité sexuelle soient obligés de suivre des programmes de prévention. Par cette proposition, qui doit encore être approuvée par son homologue du Conseil national (art. 89, al. 3, LParl), la CAJ-E souhaite ancrer dans la loi un élément de prévention. Elle estime en effet que de tels programmes seraient plus efficaces dans la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes que l’inscription symbolique d’un principe dans le droit pénal en matière sexuelle.

Pour le reste, la commission s’en tient à son projet initial. Par 12 voix contre 0, elle s’est notamment prononcée en faveur du maintien du droit actuel en matière d’imprescriptibilité des délits sexuels et pour que seuls les délits commis sur des enfants de moins de 12 ans (Conseil national : 16 ans) soient inscrits dans la loi comme étant imprescriptibles. En ce qui concerne la question des peines applicables à l’infraction de viol (art. 190 CP), la commission s’en tient également à son projet initial. Par 6 voix contre 6, 1 abstention et la voix prépondérante du président dans les deux cas, elle propose de maintenir la possibilité d’une peine pécuniare dans l’infraction de base et de prévoir une peine minimale d’un an d’emprisonnement pour le viol qualifié. Une minorité de la commission propose à son conseil de suivre l’avis du Conseil national et de supprimer la peine pécuniaire dans l’infraction de base et de fixer à plus de deux ans la peine minimale pour le viol qualifié.

La commission a clairement rejeté la nouvelle disposition introduite par le Conseil national sur le cyberharcèlement selon l’art. 179undecies P-CP ainsi que la suppression de la proposition du Conseil des États visant à punir la pornodivulgation selon l’art. 179a P-CP (par 12 voix contre 1). La commission déplore que la proposition du Conseil national conduise à une extension considérable de la punissabilité d’un acte. Pour des raisons similaires, elle continue de se prononcer à l’unanimité contre la pénalisation du pédopiégeage en ligne selon l’article 197b P-CP dans la version du Conseil national.

Interventions chirurgicales ou hormonales sur les enfants intersexués: la commission a mené des auditions

Face à la complexité du sujet soulevé par la motion Michel 22.3355 (« Interdiction pénale des interventions visant à modifier le sexe biologique des enfants nés avec une variation des caractéristiques sexuelles (enfants intersexués) »), la commission a souhaité mener des auditions lui permettant recueillir le point de vue de professionnels et d’experts, mais aussi de personnes issues du milieu associatif et militant. Christia Flück (Inselspital Bern), Matthias Kopp (Inselspital Bern) et Blaise Meyrat (CHUV, retraité) ont apporté leur point de vue médical à la commission, alors que Brigitte Tag lui a apporté le point de vue juridique de la commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE). Finalement, la perspective de personnes directement concernées a été livrée par les co-fondatrices de l’association InterAction, Audrey Aegerter et Deborah Abate. Suite à ces auditions qui furent très riches, la commission souhaite se laisser le temps de la réflexion. Elle statuera sur la motion lors d’une prochaine séance.

Train de mesures : exécution des sanctions

La commission a procédé aux auditions relatives à l’objet 22.071 (« Code pénal et droit pénal des mineurs. Modification »). Dans son message du 2 novembre 2022, le Conseil fédéral propose au Parlement des mesures visant à améliorer la sécurité de l’exécution des peines et des mesures. Les congés non accompagnés ne seront plus autorisés pour les délinquantes et les délinquants internés en milieu fermé. Par ailleurs, l’autorité pénale de jugement pourra prononcer un internement à l’encontre de jeunes condamnés pour assassinat, directement à la fin de l’exécution de la sanction prévue par le droit pénal des mineurs, s’il existe un sérieux risque de récidive. Lors d’une prochaine séance, la commission mènera le débat d’entrée en matière.

Autres objets

  • La commission propose, sans opposition, d’adopter la motion de Quattro 22.3334 n (« Mettre en place de centres d'aide d'urgence pour les victimes de violences») et la motion Funiciello 22.3333 (« Mettre en place de centres d'aide d'urgence pour les victimes de violences »).
  • La commission s’est prononcée, à l’unanimité, pour la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la Suisse et le Kosovo (22.056 n).
  • Dans son message du 10 juin 2022, le Conseil fédéral a soumis au Parlement un projet de révision du code civil visant à faciliter la transmission d'entreprises par succession (22.049 é). À sa séance du 4 novembre 2022, la commission était entrée en matière sur le projet et avait soumis un certain nombre de mandats à l’administration. Elle a ainsi pu en prendre connaissance et a demandé à l’administration de retravailler certaines questions. Elle continuera avec la discussion par article lors d’une prochaine séance.
  • Suite aux décisions du Conseil national lors de la session d’hiver 2022, la commission a continué l’élimination des divergences concernant la révision du code de procédure civile (20.026 é).
  • La commission propose, sans opposition, de rejeter la motion 22.3004 de sa commission-sœur («Tenue des comptes. Faciliter la numérisation »).

La commission a siégé à Berne les 26 et 27 janvier 2023, sous la présidence du conseiller aux Etats Carlo Sommaruga (PS, GE).